(Article paru dans : La Lettre de la Stomatologie – Le magazine des chirurgiens-dentistes, des stomatologistes et des chirurgiens maxillo-faciaux)

Os: de la greffe à la régénération

Au cours des huit dernières années, nous avons abandonné progressivement les blocs autogènes, les xénogreffes, et les matériaux synthétiques au profit d’un matériau osseux naturel le plus proche possible du nôtre: l’allogreffe osseuse.

Le succès d’un traitement commence quand la connaissance et compétence sont au rendez-vous avec le besoin du patient, et que en quelques minutes de consultation, il y ait adéquation entre notre savoir faire et notre savoir convaincre: quoi de plus frustrant de de vivre le refus de soin d’un patient pour de mauvaises raisons.

La résorption osseuse est un fait, une omnivalence à contrer en l’empêchant ou en réparant ses dégâts. Ainsi, nous stabilisons ou régénérons plus de 70% de nos patients qui ont besoin d’implants.
Loin du surtraitement dont on aurait pu être taxé il y a une dizaine d’années, la réalité biologique nous donne 100% raison puisque le volume osseux et la qualité gingivales sont enfin reconnus comme des facteurs clefs de la pérennité de nos traitements.
Quand certains, pour des crêtes étreint, préconisent des implants étroits, ne corrigeant le défaut et mettant un place une base plus fragile, nous répondons qu’il est aujourd’hui plus simple et plus prévisible de reconstruire une solide base osseuse, permettant la mise en place des implants idéaux.
La question revient alors à la qualité de l’os que l’on régénère, et les ROG actuelles, que nous allons vous décrire, sur une base d’allogreffe osseuse et de membrane collagène non réticulées à longue stabilité, permettent d’obtenir des résultats qui remettent en question la notion qualitative de nos anciens gold standards.

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Le poids des mots

La terminologie est le témoin socio-scientifique de l’image publique des techniques d’un domaine.
Le sens des mots que nous utilisons n’est pas anodin, et leur impact puissant.

Ainsi, nous, praticiens, parlons, à tord, aux patients de solutions avec ou sans « greffe d’os ».

Ce vocabulaire « greffe » met le patient face à un high tech chirurgico-effrayant à un moment où, sa mémoire hyper-activée par l’émotion de la consultation, il peut figer ses craintes nourries d’ignorance et des fausses images, empêchant toute analyse objective des avantages et inconvénients de la gestion osseuse de son problème.
La déformation est totale.
Comment un même terme « greffe » peut-il donner du sens à la fois à une greffe de visage, de coeur, de rein,… tissus ou organes VIVANTS, dotés de matrices extra-cellulaires communes mais également  des cellules dotées de leur HLA (immunitaire unique et exclusif), ces techniques de l’extrêmes, développées au prix d’une expérience médicale douloureuse, seules issues face des vies condamnées, induisant par leur simple évocation la maladie, la mort, la chirurgie lourde, le risque de rejet et les traitements à vie, iatrogènes, qui vont avec….et à la fois de simples reconstructions osseuses?

(Consultez l’article avec les photos sur le PDF)

Fig.1: « L’inconscient collectif est un concept de la psychologie analytique s’attachant à désigner les fonctionnements humains liés à l’imaginaire, communs ou partagés, quels que soient les époques et les lieux, et qui influencent et conditionnent les représentations individuelles et collectives ».

« Des greffes osseuse? Que sont ces techniques rares, pratiquées par les meilleurs, qui s’adressent aux patients plus que motivés, pour parfaire un sur-traitement, ou permettre aux cas désespérés de trouver une solution, fusse-t’elle dépendante d’un douloureux effort qui semble contraster avec la bienveillance des gentils praticiens qui s’évertuent à éviter ces actes barbares? »

Dans aucun de ses mots, je ne retrouve notre réalité quotidienne d’une lutte pour l’information des patients et des confrères:  
« Je ne greffe plus de l’os, je met en place une matrice minérale, pour que le patient puisse régénérer de l’os ».  
Non seulement ces techniques ne sont plus d’une lourdeur à décourager les plus valeureux patients, mais elles s’inscrivent dans une pratique qui tend à préserver les tissus autant que de les reconstruire.
L’expérience nous a permis de comprendre les rôles essentiels, bicéphales, de l’opérateur et du patient, où la dextérité de l’un, doit aller à la rencontre de la santé de l’autre.

L’opérateur dépendance ne peut être niée, tout comme le delta de cicatrisation d’un patient à l’autre, mais au delà de cette courbe d’apprentissage de l’un, et de l’adéquation santé-hygiène de l’autre, se dessine un univers de pro-activité qui cantonne l’aléas au rebus, et qui défini une nouvelle approche thérapeutique de l’alvéole.

S’intéresser à l’os maxillaire idéal en tant que tel, donne le critère du nouveau Gold Standard que nous devons définir. Le critère majeur pour valider une stratégie thérapeutique devrait être la qualité de l’os obtenu. Est-il de type DII, cortico-spongeux, riche en vaisseaux, avec un turn over satisfaisant et une bonne stabilité, dense en fibres de collagènes minéralisées et en ostéoblastes pour une parfaite ostéo-intégration des implants et une pérennité des structures alvéolaires.

Nous avons, aux cours des 14 dernières années, pratiqué des reconstructions osseuses avec des blocs autogènes, avec de bons résultats et une belle pérennité.
Les indications étaient les moins fréquentes possible, la sélection des patients rigoureuse, les critères biologiques mal cernés, et l’os obtenu un DI généralement extrèmement cortical. Le pionnier Fouad Khoury a compris comment éviter la problématique du bloc, pour obtenir un os maxillaire idéal (spongieux, avec une néo-corticale). Ses résultats sont superbes. Il utilise une fine lame de corticale, et rempli le défaut ainsi limité avec de reste d’os autogène broyé. Sa technique est assez invasive, le prélèvement autogène plus long, source de suites opératoires additionnelles…la qualité de ses résultats vient-elle du caractère autogène de l’os utilisé, où de son approche chirurgicale et stratégique du site à reconstruire: préparation/box/particules?  

L’utilisation de xénogreffes qualitatives comme le Bio-oss (Geistlich), extrêmement bien documenté, a rendu de grands services, notamment grâce aux résultats sinusiens, mais les limites en terme de ROG crestales sont réelles, et la compréhension des limites a été longue. Nous y voyons les limites de la techniques alors que nous buttions à causes des limites du matériau, très bon mais pas idéal, et des membranes utilisées, intéressantes pas insuffisamment stable.

De nombreux produits, naturels ou synthétiques, tous similaires et si différents, ont vu le jours, se recommandant comme la copie de ou le nouveau successeur miracle de X. A aucun moment la maitrise du geste, ni la biologie du patient n’ont eu de telle mise en avant. On peut également regretter que de ce flot de concurrents, ne soit né que confusion et assimilation maladroites, quand nous avions besoin de clarté et d’objectivité.

Le premier problème est que les biomatériaux étaient sensé rentre accessible les techniques de greffe…Mais hormis le travail sur un site donneur qui n’est plus necessaire, l’utilisation de biomatériaux ne simplifie en rien la technique de reconstruction osseuse! Il faut une  maitrise parfaite de l’anatomie chirurgicale, connaitre les stratégie d’incisions, techniques de dissections pour les tissus mous….pour avoir un geste parfait, et ce dépendant de la reconstruction uniquement, que vous utilisiez du pariétal ou une membrane en téflon armée!
De plus, les notions de cicatrisations et l’impact de la préparation du site receveur, du mode de préparation du biomatériau, et de la biologie du patient ne sont pas suffisamment mis en avant pour comprendre les éléments favorables à faire et ceux à éviter pour limiter l’addition de facteurs de risques.

Des techniques en évolutions constantes:

Au cours des huit dernières années, nous avons abandonnés progressivement les blocs autogènes, les xénogreffes, et les matériaux synthétiques au profit d’un matériau osseux naturel le plus proche possible du notre: l’allogreffe osseuse.
Plus de 1500 centimètres cubes de particules d’allogreffes (Biobank©) m’ont permis de définir des protocoles rigoureux, reproductibles, aux résultats pérennes.
Des premiers sinus lifts timides aux reconstructions d’arcades complètes, les évidences de l’importance de la qualité des biomatériaux choisis, du besoin de maitrise et en écho de la nécessité d’accompagner le patient, plus que de le choisir: de l’optimiser, de l’impliquer n’ont fait que se renforcer.
Les centaines de cas traités ont mis en évidence le rôle capital des membranes, car chaque traitement a vu son protocole et matériau noté, évalué, photographié, radiographié.

Depuis plus de 2 ans, plus de 300 membranes créos ont été utilisées.  
L’utilisation de ses membranes de collagènes plus stables (résorption plus lente), non réticulées, et parfaites pour être clouées a été décisive quand à la qualité de néo-corticalisation obtenue.

Les premières reconstruction en allogreffe seule n’étaient pas des plus stable d’un point de vu dimensionnel entre j0 et à 9 mois.
Nous avons d’abord pensé à mélanger au bio-oss qui ne se résorbe pas.  
En fait c’était une belle étape qui fonctionne bien mais qui n’était pas la solution.
Nous avons réalisés le volume que prenait la fibrine dans le sang artériel récupéré in situ et qui servait à imbiber/activer notre Biobank. La fibrine prend énormément de volume et se résorbe totalement. C’est un merveilleux sapeur favorable quand il est utilisé avec du Bio-oss, mais c’est un des deux gros facteur de variabilité non prévisible dimensionnelle pour les allogreffes.
Dans notre protocole, nous récupérons donc du sang artériel in situ en début de lambeau, le laissons dans la seringue, puis au moment d’hydrater les particules avec les sang prélevé, nous éliminons la masse de fibrine.

Notre pratique actuelle a mis en évidence également l’importance de la qualité de vie, de l’équilibre alimentaire/vitamines, de l’absence de Tabac, ou de la forte consommation d’alcool de nos patients: ils sont grandement responsable de leur qualité de cicatrisation!

Ainsi, nous informons nos patients que chaque extraction induit une résorption osseuse, qu’elle n’est plus fatalité et que la contrer ou régénérer de l’os est aujourd’hui possible.
Nous leur expliquons que c’est eux qui vont fabriquer de l’os, et qu’à ce titre, le corps doit être sain et ne manquer de rien. Aussi, plus ils accumulent stress, déséquilibre alimentaire, tabac… plus la cicatrisation sera altérée, plus les résultats perdent en prévisibilité par risque de surinfection, de réouverture de la muqueuse ou fabrication d’un os mou.

Nous devons envisager la préservation des tissus comme une règle, et la réparation rationnelle comme son corollaire. Nous devons impliquer les patients.
L’acceptation de la préservation alvéolaire ou des régénérations tissulaires est naturelle de la part des patients quand les explications sont claires et objectives.

Notre patiente:  

Fig.2: Situation initiale, crête en lame de couteau (1,9mm), absence quasi-totale de gencive attachée.  

Madame Laurence H. est adressée pour reconstruire le volume alvéolaire de 46, puis mettre en place un implant.
Après l’analyse de son profil de cicatrisation, elle a 51 ans, santé RAS, vie en bord de mer, analyse vitamine D normale, nous luis expliquons les techniques de ROG, lui détaillant son rôle, luis prodiguant les conseils d’avant.après chirurgie pour mettre toutes les chances de notre coté.

Fig.3: les 12 étapes clefs de la chirurgie (issues d’une captation vidéo)

Le jour J, après une pré-médication de Cortisone J-1>J3, et sous antibiotique large spectre depuis 1 heure, nous allons réaliser le ROG. Les étapes suivantes correspondent aux 12 illustrations de la figure 3.
incision vestibulaire, puis des collets, petite décharge à distance de minimum 1 dent,
récupération du sang artériel in situ,
nettoyage/actication de l’os cortical avec une fraise boule carbure de 3mm de diamètre sur pièce à main, vitesse 800 tours/mn, sans pression, forte irrigation,
mise en évidence de l’ »mergence de nerf mentonnier,
perforations de la corticale avec un foret à onlay,
libération des tissus mous pour la figure couverture sans tension aucune du site.Ici en lingual,
début incision en vestibulaire,
adaptation de la membrane Créos,
pins titane pour stabiliser la membrane sur l’os basal (permet d’éviter la fuite de matériau vers le bas, sépare efficacement les tissus et rend bien plus efficace la mise en place du matériau),
mise en place du biobank hydraté au sans (sans fibrine), dense et non écrasé, sans sang résiduel, sans lacune,
coffrage par la membrane qui repasse en lingual,
sutures PGA rapide 5/0 en 2 plans, conjonctif/conjonctif, des lambeaux, sans tension.

Fig.4: Mise en parallèle des CBCT J0 post-op et à 6 mois de cicatrisation du site 45-46

L’étude de la cicatrisation sur les coupes cone-beam (Carestream 9500) permet d’évaluer la qualité de la cicatrisation osseuse (fig.4).  
La minéralisation est optimale, une néo-corticale est déjà différenciée, l’ancienne corticale est fondue en transition entre l’os résiduel et l’os néo-formé.
Sur les premières coupes de la figure 4, la comparaison J0/6mois montre que de l’os à passé sous le clou Ti distal qui n’était pas totalement enfoncé.
La qualité de la dissection a permis une absence de tensions du lambeau, qui se retrouve dans la stabilité du volume final.
Cette cicatrisation osseuse autour des particules de l’allogreffe se retrouve radiologiquement, cliniquement (fig.5), et histologiquement (fig.6).

La réouverture se fait sans décharge, en décollant le moins possible, mais surtout sans tissue-punch pour préserver le millimètre de gencive attaché, transposé de part et d’autre du futur pilier de cicatrisation.
La crête de 1,9 mm a donné naissance à un volume de 7mm, permettant la mise en place d’un NobelActive WP shorty, dont la connexion a la fois conique et large permet d’allier une transition implant-pilier étanche, passive, et résistante. La stabilité de cet implant dans cet os est de 70 N.cm. Nous savons que le plus déterminant lors de l’utilisation des implants courts est la qualité de l’os receveur, point clefs d’analyse de l’importance de la qualité osseuse obtenue.

Fig.5: Réouverture à 6mois et pose d’un implant NobelActive Shorty, connexion interne WP.

Fig. 6: Histo-morphométrie HES à 6 mois d’une ROG biobank, et analyse des pourcentages d’os néoformé/moelle osseuse jaune/particules ostéo-intégrées.

Membranes:

Les anatomies de sites à reconstruire sont toutes différentes et pour répondre aux différents besoins, nous utilisons parfois des techniques différentes permettant de maintenir l’espace de cicatrisation osseuse. Ainsi, nous sommes appelés à savoir utiliser des blocs allogreffe cortico-spongieux, des membranes cytoplast armées Titane, ou des membranes Frios (Titane perforées).
Le fondamental de la cicatrisation reste le même: le patient/l’allogreffe/le sans sans fibrine/une membrane efficiente plus de 5 mois et stabilisée/aucune tension tissulaire/aucune contrainte externe (temporisation).

Conclusion:

Nous sommes passé du vécu anxiogène de la greffe osseuse à connotation lourde à l’approche rationnelle de la préservation/régénération tissulaire guidée.  
De ces greffes qui brillaient par les techniques mais malheureusement souvent par leur absence et les compromis induits, tant les confrères et les patients ne la faisaient qu’en dernier recours, voire pas.
Gardons en tete les conséquences des compromis de volumes tissulaires où le temps généralement pas de clémence aux implants n’ont pas bénéficié de l’approche osseuse correcte.
Le prix à payer est alors bien lourd, et en regard de cela, les ROG se justifient sans avoir besoin d’étaler d’argumentation, l’évidence étant.
Le bonheur thérapeutique de savoir préserver les tissus, et de régénérer des volumes osseux « naturels », trophiques, et stables est une des plus grandes satisfactions des dernières années, et s’inscrit dans une thérapeutique qualité où l’on améliore les résultats, donnant à nos succès une dimension grandie, une fiabilité renforcée.