Péri-implantites et laser Er-YAG
La prévalence des péri-implantites s’accentue et les étiologies sont diverses et souvent combinées. Parmi les thérapeutiques existantes, le laser Erbium YAG est probablement la moins bien connue et pourtant, elle présente de nombreux intérêts cliniques : élimination du tissu de granulation, des dépôts tartriques et décontamination du titane avec respect des tissus sains et des structures implantaires.
La prévalence des péri-implantites s’accentue et les étiologies sont diverses et souvent combinées. Parmi les thérapeutiques existantes, le laser Erbium YAG est probablement la moins bien connue et pourtant, elle présente de nombreux intérêts cliniques : élimination du tissu de granulation, des dépôts tartriques et décontamination du titane avec respect des tissus sains et des structures implantaires.
En effet, certaines situations auront une issue plus favorable en ne traitant pas le problème mais en déposant le travail précédent. Cette option permet alors une reconstruction tissulaire qui rendra le nouveau traitement plus prévisible, sur de meilleures bases.
Cependant, les traitements des péri-implantites « conservateurs » sont nombreux et sont indiqués dans bien des situations, associés ou non à des régénérations tissulaires. Il s’agit de corriger l’étiologie, d’éliminer les tissus pathologiques et de décontaminer. Cela se fait généralement par des techniques de curetage (manuel ou ultrasoniques), d’aéropolissage, de thérapie photodynamique [1], d’antibiotiques locaux/ généraux [2]… Il est souvent bienvenu de partager la réflexion sur les impacts des différentes options avec le patient, tant sa collaboration est capitale, sans oublier qu’en cas de surcomplication ou changement de traitement, son vécu sera moins négatif.
Après avoir souligné que la conduite à tenir face à une péri-implantite n’était pas systématiquement conservatrice, il est important d’insister sur le besoin de répondre aux différentes causes pour obtenir une guérison.
Il n’existe donc aucun outil miracle qui permettrait de traiter toutes les péri-implantites. C’est dans ce cadre thérapeutique qui inclut un traitement de la gencive, de l’os, des tissus pathologiques et du titane que le laser Erbium-YAG présente un intérêt majeur.
Bases pour mieux comprendre
Un laser est un rayon de photons qui présente une énergie considérable. Ce faisceau électromagnétique émis en pulses très brefs va interagir avec la matière de façon prévisible et différemment des outils traditionnels répondant plus aux lois physiques de Newton. Ici, la physique quantique nous ouvre la porte d’une efficacité anticipée et paramétrable à l’avance. L’action est sans contact direct et l’intensité dépend des modes d’émission, d’application, et du tissu.
Tout comme la lumière du soleil qui irradie la surface de la terre, selon la saison (distance), selon l’heure (angulation) et selon la matière (nature moléculaire/teinte), notre faisceau laser va agir plus ou moins intensément au-delà du paramétrage. En variant l’intensité (puissance), la fréquence d’émission (Hz), les paramètres que nous venons d’évoquer : distance, angle… ainsi que surface de répartition de l’énergie émise, nous allons « maîtriser » des effets
Les lasers Er-YAG ont une longueur d’onde de 2 940 nm, des infrarouges (non visibles) énormément absorbés par l’eau ainsi que l’hydroxyapatite (os). C’est cette extrême absorption qui est à l’origine des effets photo-ablatifs permettant d’éliminer de façon sélective les tissus pathologiques et les différents dépôts pour laisser des tissus sains et une surface détoxifiée bactériologiquement maîtrisée. L’efficacité de l’ablation est de 540 µg/J et la profondeur d’exérèse par pulse est supérieure à 0,4 mm [3]. Le contrôle visuel lors de l’utilisation des lasers Er-YAG est optimal puisque les embouts (tips) sont extrêmement fins, translucides, travaillant sans contact.
Les lasers Erbium-YAG sont particulièrement efficaces pour plusieurs points clefs du traitement du péri-implant pathologique.
Élimination du tissu de granulation
Ces effets photo-ablatifs vaporisent de la matière et disloquent le tissu granuleux, ce qui rend son élimination totale possible, plus aisée. La précision du geste qu’il permet et son mode d’action limitent le caractère iatrogène de nos curetages. En effet, la pénétration du laser erbium est presque nulle (inférieure à 30 µ) ce qui évite tout dommage osseux, contrairement à une fraise boule dont le diamètre est bien plus gros, l’effet ablatif moindre, l’effet thermique plus fort avec un contrôle visuel largement moins bon [4, 5, 6, 7].
Un travail précis et respectueux des tissus sains est alors possible, d’autant plus que l’on utilise cet outil avec un microscope opératoire ou des loupes fibrées de fort grossissement.
Élimination du tartre Décontamination du titane en le respectant
Ceci permet de retrouver :
- un tissu muqueux débarrassé de la zone infiltrée
- un os nettoyé du tissu de granulation mais préservé, sans être agressé (laser « froid »), pour éviter d’éventuels halos nécrotiques, sources de complications ou d’échec
un titane assaini qui pourra s’ostéointégrer à nouveau
Cas clinique
Mme M. N.
Situation initiale défavorable : 76 ans, hygiène très défavorable, xérostomie, candidose buccale, prothèse inadaptée, non passive, absence de vestibule. Péri-implantite évoluant depuis 2004, première consultation dans notre cabinet juillet 2010. Un traitement non conservateur semblait indiqué : dépose des implants et curetage, associé secondairement à une reconstruction osseuse et de muqueuse kératinisée si besoin.
Mais le contexte dentaire de la patiente ainsi que la difficulté à gérer la temporisation (problèmes d’alimentation chez cette patiente très fragile) nous ont poussés à essayer de préserver ses implants très infectés, qui présentaient des poches péri-implantaires de plus de 13 mm.
Conclusion
Les outils alternatifs traditionnels comme les curettes, inserts ultrasons spécifiques, brossettes titanes sont pléthore et d’utilisation intuitive, ce qui peut expliquer certaines réticences à évoluer vers l’outil que représente le laser Er-YAG.
De même que nous ne pouvons transposer les qualités d’un laser à un autre. Chaque type de laser va avoir des effets biens spécifiques et parfois opposés. Par exemple, les lasers diodes ne vont pas léser le titane, mais provoquer une élévation de température délétère, ou encore les lasers Nd YAG vont dégrader la surface du titane.
Dans le cadre du traitement des péri-implantites, les qualités des Erbium sont mises en avant : ergonomie de travail, de capacité à éliminer avec précision et sélection les tissus pathologiques, décontaminer le titane sans le souiller pour permettre une nouvelle ostéointégration. Ces procédures sont cependant opérateur et matériel dépendant. Toujours plus de recul permettra d’améliorer la prévisibilité de ces traitements, de décoder avec plus de précision les guidelines de traitement et de détailler les protocoles à mettre en oeuvre.
Toujours est-il que la démocratisation de l’implantologie et l’évolution des traitements implantaires anciens génèrent cette nouvelle pathologie et face à cette réalité, nous, dentistes, devons avoir un arsenal thérapeutique à la hauteur des évolutions médicales générales où les lasers sont omniprésents, non sans raisons.
Bibliographie
1. Dorothee Schär, Christoph A. Ramseier, Sigrun Eick, Nicole B. Arweiler, Anton Sculean, Giovanni E. Salvi – Anti-infective therapy of peri-implantitis with adjunctive local drug delivery or photodynamic therapy: six-month outcomes of a prospective randomized clinical trial – Clinical oral implant research
2. Niklaus P. Lang, Thomas G. Wilson, Esmonde F. Corbet – Biological complications with dental implants: their prevention, diagnosis and treatment-Clin Oral Impl Res 2000: 11 (Suppl.): 146–155
3. Walsh JT Jr, Deutsch TF. Er-YAG laser ablation of tissue: measurement of ablation rates. Lasers Surg Med. 1989; 9(4): 327-37
4. Lewandrowski KU, Lorente C, Schomacker KT, Flotte TJ, Wilkes JW, Deutsch TF. Use of the Er-YAG laser for improved plating in maxillofacial surgery: comparison of bone healing in laser and drill osteotomies. Lasers Surg Med 1996; 19: 40–45
5. Attrill DC, Davies RM, King TA, Dickinson MR, Blinkhorn AS. Thermal effects of the Er-YAG laser on a simulated dental pulp: a quantitative evaluation of the effects of a water spray. J Dent. 2004 Jan; 32(1): 35-40
6. Katia M. Sasaki, Akira Aoki, Shizuko Ichinose and Isao Ishikawa – Ultrastructural Analysis of Bone Tissue Irradiated by Er-YAG Laser Lasers in Surgery and Medicine 31: 322–332 (2002)
7. Stefan Stübinger, Kristina Biermeier, Beatus Bächi, Stephen J. Ferguson, Robert Sader, and Brigitte von Rechenberg, -Comparison of Er-YAG Laser, Piezoelectric, and Drill Osteotomy for Dental Implant Site Preparation: A Biomechanical and Histological Analysis in Sheep-Lasers in Surgery and Medicine 42: 652–661 (2010)